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MONGOLIE – Passé présent

Cinéma mongol

L’Histoire du cinéma mongol est parmi les plus riches, passionnantes et…méconnues de l’Asie. La Mongolie compte aujourd’hui parmi les principaux pays producteurs cinématographiques d’Asie avec une cinquantaine de titres produits chaque année, mais peut également se targuer d’un riche patrimoine, indispensable à (re)découvrir.

La naissance du cinéma mongol est mouvementée. A partir de 1691, les princes mongols acceptent la domination de la dynastie sino-mandchoue. La levée des mesures restreignant le commerce au début du XXe siècle permet l’ouverture massive de boutiques chinoises dépendant de capitaux occidentaux, favorisant des projections cinématographiques dès 1903. En 1911, à la suite de la chute de la dynastie sino-mandchoue, les princes de Mongolie extérieure proclament l’indépendance de la Mongolie extérieure et se rapprochent de la Russie impériale. Le Prince Tögs-Ochiryn Namnansüren encourage dès lors l’importation de films russes pour une large diffusion dans tout le pays. En 1921, le parti populaire mongol (futur Parti Populaire Révolutionnaire Mongol) chasse les dernières troupes chinoises et forme un gouvernement de coalition nationale. La Mongolie extérieure devient le premier état satellite de l’Union Soviétique en Asie en adoptant le modèle soviétique.

A l’époque, 86 % de la population mongole était constituée de bergers nomades. Sous l’influence de sa voisine l’Union soviétique, le gouvernement décide d’éduquer les masses via le cinéma. Une mesure mise en place en deux temps : de 1925 à 1935, le gouvernement crée les infrastructures et forme ses futurs techniciens ; de 1935 à 1945, il pose un cadre en créant les studios d’État Mongol Kino, seuls habilités à produire des films. Le Fils de Mongolie (Ilya Trauberg) est le tout premier film mongol produit et réalisé par des Russes avec une équipe mongole en 1935.

Si les films sont pensés comme des divertissements, ils doivent également contribuer au renforcement de l’idéologie d’État. Ils sont ainsi soumis à une censure extrêmement stricte qui s’applique à toutes les étapes de la fabrication d’un film – depuis l’écriture du scénario jusqu’au montage et même à la composition musicale. En cas d’insubordination, les réalisateurs sont tenus à rembourser l’intégralité des frais engagés…

Parmi la propagande diluée dans les 11 premiers longs tournés entre 1936 et 1945, on peut souligner la dénonciation de l’illettrisme, des valeurs inculquées sous la domination sino-mandchoue et des croyances religieuses au profit de la politique socialiste, de l’effort collectif et des (nouveaux) héros nationaux. C’est ainsi que Le Destin de Norjmaa (Natsagdorj Tumur, 1938) et Le Réveil (Genden Sangijav, 1957) prônent les bienfaits de la médecine occidentale face à celle – décriée – des shamans et que Nouvel An (Zandraa Tseveen, 1954) loue l’effort collectif (en usine). Les épopées historiques His name is Sükhbaatar (Collectif, 1942) et Prince Tsogt (Collectif, 1945) contribuent à forger une (nouvelle) identité nationale avec notamment le personnage du « Lénine mongol», Damdin Sükhbaatar censé remplacer le légendaire Gengis Khan dans le cœur des Mongols.

La décision de l’URSS de ne plus financer le cinéma des états satellites au sortir de la Seconde Guerre Mondiale interrompt toute production cinématographique entre 1945 et 1954 ; mais la sortie de Nouvel An du documentariste Zandraa Tseveen est à l’origine d’un second âge d’or. Le succès d’Our Song (Oyuun E., 1955) lance le genre de la comédie musicale, celui de What Obstacles Are Becoming for Us ? (Dorjpalam Ravjaa, 1956) celui du mélodrame contemporain, If I had a horse (Dorjpalam Ravjaa, 1959) celui du film pour enfants et A Messenger of the People (Jigjid Dejid, 1959) perpétue la passion des spectateurs pour les fresques historiques.

Les années 1960 sont marquées par les succès du premier film en couleurs Le Palais d’Or (Dorjpalam Ravjaa, 1961) et de celui de la comédie sociale Harmonica (Jamsran Bayandelger, 1963), qui confirment l’engouement du public pour des sujets plus contemporains ; une tendance qui va se perpétuer au cours des décennies suivantes avec des fictions qui s’intéressent aux conditions de vie de communautés plus isolées, comme dans Sound of Engine (Sumkhuu Badrakh, 1974) ou dans Mirage above Gobi Desert (Dorjpalam Ravjaa, 1980). Les années 1980 marquent l’apogée du cinéma mongol avec des œuvres extrêmement abouties, comme L’Aigle fier, le lutteur (Jamyanguyn Buntar, 1984) qui explose les carcans narratifs ou L’Ombre (Begzlin Bajinnyam, 1986), qui aborde l’épisode historique jusque-là tabou de la bataille de Khalkhin Gol. La trilogie Au bord de la mort composée de Larmes de la Stèle, Ruines Tièdes et Traces d’une existence, tournée entre 1990 et 1991 par Jigjidsuren Gombojav, profite de la confusion politique de l’époque en traitant frontalement des purges des années 1930 ou du viol dans les campagnes comme conséquence directe du gouvernement mongol.

La dissolution de l’Union Soviétique et l’abandon de la République Populaire Mongole en 1992 marque l’arrêt brutal de l’industrie cinématographique nationale : les studios de la Mongol Kino ferment du jour au lendemain et les réalisateurs d’État sont mis au chômage. Et pourtant, la production passe d’une poignée de films tournés par an à 42 films produits sur la seule année 1993 et une centaine entre 1992 et 1996. Tout un chacun peut tourner et distribuer des films en vidéo sans plus aucun risque de censure – en organisant parfois des projections en DVD sur un grand écran télé dans des caves… Mais quantité ne rime pas forcément avec qualité et les pâles copies des succès américains tournées sans talent lassent rapidement le public. Parmi les nombreuses sorties d’après 1992, seuls La Corde (1993) ou la trilogie composée de L’Histoire du Chameau qui pleure (2003), Le Chien Jaune de Mongolie (2005) et Les Deux chevaux de Gengis Khan (2011) des femmes réalisatrices Uranchimeg Nansal et Byambasuren Davaa sortent vraiment du lot.

A présent, la production cinématographique mongole frôle les 50 films par an pour seulement 23 écrans dans la capitale Oulan-Bator ; mais l’industrie reste fragile. L’État ne fait rien pour aider la profession et il n’existe toujours aucun cadre légal pour réglementer la distribution ou protéger les droits d’auteur. La formation aux métiers de l’audiovisuel reste restreinte et il y a une vraie méconnaissance de la vente à l’international de films au trop faible coût pour concurrencer les films des autres pays producteurs asiatiques : le budget moyen d’un film mongol est de 100.000 € contre plusieurs millions d’€ par film dans des pays comme la Corée du Sud ou le Japon. Le documentaire Passion (Byamba Sakhya, 2010) pose justement une vraie question : ne valait-il pas mieux réaliser un film censuré dans de bonnes conditions sous régime communiste plutôt que de peiner à tourner un sujet sans contrainte intellectuelle dans l’actuel système libéral ? D’un point de vue plus positif, la jeune nation bouillonne de dynamisme ; les Coréens ont investi le marché pour transmettre leur savoir-faire et la rapide évolution de la technologie numérique permet d’imaginer une prochaine diffusion via satellite à moindre frais…

En attendant, la Mongolie peut se targuer d’un héritage culturel hors pair, longtemps invisible aux yeux du monde, et qu’il est absolument nécessaire de (re)découvrir pour bâtir le futur.

Bastian Meiresonne (2018)

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